McCullers (Carson), La Ballade du café triste, traduction Jacques Tournier, Pochothèque p. 826 :
« Il y avait une dizaine d'hommes sous la véranda du magasin de Miss Amelia. Ils attendaient, simplement, en silence, sans savoir eux-mêmes ce qu'ils attendaient. C'est exactement ce qui se passe à chaque période de tension, quand un grand événement se prépare : les hommes se rassemblent et attendent. Au bout d'un temps plus ou moins long, ils se mettent à agir tous ensemble. Sans qu'intervienne la réflexion ou la volonté de l'un d'entre eux. Comme si leurs instincts s'étaient fondus en un tout. La décision finale n'appartient plus alors à un seul, mais au groupe lui-même. A cet instant-là, plus personne n'hésite. Que cette action commune aboutisse au pillage, à la violence, au meurtre, c'est affaire de destin. Les hommes attendaient donc calmement sous la véranda de Miss Amelia. Aucun d'entre eux ne savait ce qui allait se passer, mais ils avaient tous la certitude intérieure qu'il fallait attendre, que l'instant était sur le point d'arriver. »
« Some eight or ten men had convened on the porch of Miss Amelia's store. They were silent and were indeed just waiting about. They themselves did not know what they were waiting for, but it was this: in times of tension, when some great action is impending, men gather and wait in this way. And after a time there will come a moment when all together they will act in unison, not from thought or from the will of any one man, but as though their instincts had merged together so that the decision belongs to no single one of them, but to the group as a whole. At such a time, no individual hesitates. And whether the matter will be settled peaceably, or whether the joint action will result in ransacking, violence, and crime, depends on destiny. So the men waited soberly on the porch of Miss Amelia's store, not one of them realizing what they would do, but knowing inwardly that they must wait, and that the time had almost come. »