Blanc (Charles) salon de 1864, sur le tableau de Meissonier : L’Empereur à Solférino :
« Il représente l’empereur et son état-major en vedette sur un tertre, au bas duquel on aperçoit des canonniers à leurs pièces. Le génie de l’infiniment petit n’est jamais allé plus loin. Sur des têtes qui sont moins grandes qu’une lentille, Meissonier a su exprimer, sans minutie, les creux et les reliefs de la forme, les méplats imperceptibles de la joue, du nez, du front, de la bouche, les plis de la peau, les verrues, les poils bruns ou grisonnants, blonds ou roux, de chaque personnage ; il a rendu sans petitesse, dans chaque cheval, les plus délicates nuances de la robe ; il a fait sentir les os, les tendons et les veines, il a su frapper juste le point lumineux de l’œil aussi bien que les tendons et les veines, il a touché avec une finesse inouïe les boucles de la têtière de cuir, aussi bien que les soutaches de l’uniforme et les passementeries du képi.
Il a tout dit : les aiguillettes, les gants et leurs coutures et leurs déchirures, et les moindres plis du pantalon garance, fatigué par la marche et crotté par la victoire. Pas un bouton, aperçu à un quart de lieue, qui ne soit en perspective, pas un bout de courroie qui ne soit tout ensemble parfaitement rendu et à son plan. Les Hollandais les plus illustres n’ont pas eu cette ténuité de touche, cette religion du petit morceau, ce scrupule microscopique, cette perfection de l’invisible. Et ce qu’il y a de plus surprenant en vérité, c’est qu’une peinture aussi serrée est faite librement, avec facilité, avec largeur, oui, je dis bien, avec largeur. Tout ce que le peintre a vu de si loin, par un œil qui semble à la fois presbyte et myope, l’air ambiant l’éloigne, le sentiment des distances l’atténue, le confond et le noie dans l’ensemble. Tout se mêle dans la masse et cependant tout s’en distingue. C’est le dernier mot de l’art de peindre grandement en petit […] »
Zola, Nos peintres au Champ-de-Mars, La Situation, 1° juil.1867 :
« J’apercevais de petits bonshommes en porcelaine, très délicatement travaillés, propres et coquets, tout frais sortis de la manufacture de Sèvres ; ces bonshommes me paraissaient enluminés de couleurs aigres et criardes, et chaque tableau me semblait avoir l'éclat dur d'un étalage de bijoutier. J'apercevais, dans les fonds, des paysages étranges, en porcelaine aussi, d'une maladresse rare. J'apercevais encore deux ou trois portraits en acajou tendre. Tout cela était parfaitement ciselé et faisait honneur à l'habileté de l'ouvrier. Il y a de jolies femmes qui ont sur leurs étagères de ces joujoux-là, au naturel.
Cependant, à côté de moi, deux amateurs, la loupe à la main, regardaient une des figurines. L'un d'eux s'écria brusquement : "L'oreille y est tout entière. Regardez donc l'oreille. L'oreille est impayable." L'autre amateur regarda l'oreille qui, à l'oeil nu, paraissait un peu plus grosse qu'une tête d'épingle, et, quand il eut bien constaté que l'oreille existait dans son intégralité, ce furent des exclamations sans fin d'admiration et d'enthousiasme. Puis les deux amateurs étudièrent les autres morceaux de la figurine et déclarèrent ne jamais avoir rien vu de plus délicat, de plus vif, de plus fin, de plus spirituel, de plus fini, de plus ferme, de plus précis, de plus parfait. »