Musil, Essais (1918), trad. Jaccotet, p. 342 :
« L'Europe était en proie à une grave dépression, et l'Allemagne plus encore. La religion morte. L'art et la science devenus une affaire d'initiés. La philosophie réduite à une science de la connaissance. La vie de famille (avouons-le franchement) : à mourir d'ennui ! Les distractions tapageuses, comme pour être sûrs de ne pas s‘endormir. La grande majorité des hommes transformés en ouvriers de précision, capables d'un nombre très limité de gestes. Avec cela, grâce aux journaux et aux chemins de fer, chacun de nous comme au centre du globe, mais sans pouvoir rien en tirer. La politique : une vente au détail d'idées usagées. Dans une telle forme de vie, qu'y a-t-il qui vaille* la peine d'être vécu ? L'homme de 1914 s'ennuyait littéralement à mourir ! Voilà comment la guerre a pu faire miroiter à ses yeux, avec l'ivresse de l'aventure. l'éclat des rivages encore inconnus. »
* la traduction donne ‘vale’, forme du subjonctif réservée au verbe ‘prévaloir’
Romains (J.), Les Hommes de bonne volonté, vol. Le Drapeau noir, Bouquins p. 1262-1263 :
« Ah ! on allait se sentir vivre. Plus question, une seconde, de s'ennuyer. L'ennui ? En arrière, Ennui ! En arrière, l'époque de l'Ennui ; le temps de la Paix sans Histoire. Voici que commence l'Histoire »