Edwards (Michael), Le Génie de la poésie anglaise chap. 1 :
"Les caractéristiques de la poésie anglaise [...] semblent bien correspondre [...] à la constitution de la langue et de la prosodie anglaises. Si même elle véhicule des idées aériennes ou des émotions éthérées, la syntaxe de l'anglais garde les pieds sur terre, suit la configuration du réel et le mouvement du temps, à cause de son articulation progressive et de son passage par une multiplicité de prépositions et d'autres particules. Dans le vocabulaire panaché de l'anglais à partir du XI° siècle, le fonds germanique encourage à rester près du commun et du familier, alors que le fonds franco-latin incline à s'aventurer dans le rare et l'étrange. La nature immense et accueillante du vocabulaire anglais expliquerait en partie un autre élément du génie de la poésie anglaise, l'existence de tant de traductions si achevées qu'elles sont des chefs-d'œuvre, non seulement de la traduction mais de la poésie. Même le jeu entre les célèbres et fourmillants monosyllabes, d'origine généralement germanique, et les polysyllabes venus du français et du latin favorisent, là une lenteur en visitant les objets, les émotions et les idées qui sont à portée de la main, ici une rapidité à survoler le réel et à le voir d'un regard nouveau. Toute la poésie anglaise, depuis Hastings, tisse ensemble les deux éléments majeurs de la langue ; beaucoup de poètes passent de l'un à l'autre en connaissance de cause ; aux deux extrêmes se tiennent la poésie 'latine' de Milton et la poésie 'germanique' de Hopkins."