Bronner (Gérald), La Démocratie des crédules chapitre V :
« Lorsqu’il s’agit de phénomènes naturels, les croyances impliquées sont finalistes et souvent implicitement ou explicitement religieuses. Lorsqu’il s’agit de phénomènes sociaux, on suppose des intentions derrière des phénomènes complexes ou des agrégations d’actions d’individus qui n’ont aucune conscience des résultats qu’ils vont produire, et l’on se demande dans tous les cas : à qui profite le crime ? On est alors très près de passer d’une pensée critique à une pensée conspirationniste.
C’est ainsi que s’inventent des théories de la domination défendues sans complexe par ceux-là mêmes qui pourraient moquer ce genre d’explications concernant les phénomènes de la nature, mais qui les trouvent subtiles dès qu’il s’agit de phénomènes sociaux. On a là de la crédulité qui se fait passer pour de l’intelligence. Si ces biais cognitifs contaminent si facilement des esprits brillants par ailleurs, c’est sans doute parce que ceux-ci laissent leur conception du bien contaminer leur conception du vrai (dans un but religieux ou idéologique), mais aussi parce qu’ils n’ont pas appris à reconnaître l’expression de ces biais dans différentes structures de problèmes. Ils sont rationalistes ici et crédules là.
[...] à l’affût en lui, l’avare cognitif attend son heure tout autant que l’homme d’intérêt – économique ou idéologique."