Poe, Le Domaine d'Arnheim (version Baudelaire), coll. Bouquins p. 907-908 :
« Il n’existe dans la nature aucune combinaison décorative, telle que le peintre de génie la pourrait produire. On ne trouve pas dans la réalité des paradis semblables à ceux qui éclatent sur les toiles de Claude Lorrain. Dans le plus enchanteur des paysages naturels, on découvre toujours un défaut ou un excès, mille excès et mille défauts. Quand même les parties constitutives pourraient défier, chacune individuellement, l’habileté d’un artiste consommé, l’arrangement de ces parties sera toujours susceptible de perfectionnement. Bref, il n’existe pas un lieu sur la vaste surface de la terre naturelle, où l’œil d’un contemplateur attentif ne se sente choqué par quelque défaut dans ce qu’on appelle la composition du paysage. Et cependant, combien ceci est inintelligible ! En toute autre matière, on nous a justement appris à vénérer la nature comme parfaite. Quant aux détails, nous frémirions d’oser rivaliser avec elle. Qui aura la présomption d’imiter les couleurs de la tulipe, ou de perfectionner les proportions du lis de la vallée ? La critique qui dit, à propos de sculpture ou de peinture, que la nature doit être ennoblie ou idéalisée, est dans l’erreur. Aucune combinaison d’éléments de beauté humaine, en peinture ou en sculpture, ne peut faire plus que d’approcher de la beauté vivante et respirante. Dans le paysage seul, le principe de la critique devient vrai ; elle l’a senti vrai en ce point, et c’est l’esprit enragé de généralisation qui l’a poussée à conclure qu’il était vrai dans tous les domaines de l’art. »
No such combinations of scenery exist in Nature as the painter of genius has in his power to produce. No such Paradises are to be found in reality as have glowed upon the canvass of Claude. In the most enchanting of natural landscapes, there will always be found a defect or an excess– many excesses and defects. While the component parts may exceed, individually, the highest skill of the artist, the arrangement of the parts will always be susceptible of improvement. In short, no position can be attained, from which an artistical eye, looking steadily, will not find matter of offence, in what is technically termed the composition of a natural landscape. And yet how unintelligible is this! In all other matters we are justly instructed to regard Nature as supreme. With her details we shrink from competition. Who shall presume to imitate the colors of the tulip, or to improve the proportions of the lily of the valley? The criticism which says, of sculpture or of portraiture, that "Nature is to be exalted rather than imitated," is in error. No pictorial or sculptural combinations of points of human loveliness, do more than approach the living and breathing human beauty as it gladdens our daily path. Byron, who often erred, erred not in saying,
I've seen more living beauty, ripe and real, Than all the nonsense of their stone ideal.
In landscape alone is the principle of the critic true; and, having felt its truth here, it is but the headlong spirit of generalization which has induced him to pronounce it true throughout all the domains of Art.