Rolland (Romain), Lettre du 9 juillet 1905 à R. Strauss :
« Le e muet est une des grandes difficultés de la langue française. Il faut bien se garder de le supprimer ; c'est un des principaux charmes de notre poésie, mais il est très rare qu'un étranger le sente bien. C'est moins un son qu'une résonance, un écho de la syllabe précédente, qui vibre, se balance et s'éteint doucement dans l'air. C'est parce qu'on lui prête une quantité uniforme et égale à la précédente qu'on croit que le e muet est monotone ; il n'en est rien ; c'est une des musiques de notre langue : il est en quelque sorte la draperie légère du mot, il l'entoure d'une atmosphère liquide. Si vous le supprimez, il ne reste que l'arête sèche :
‘’On dirait un’ femm’…’’
« Ell’ ressemble à un' petit' princesse ».
Ce n'est plus du français, c'est de l'argot. Naturellement, il serait encore pire d'accentuer trop lourdement le e muet que de le supprimer. Ce sont des nuances très fines, toutes en demi-teintes. »