Descartes : Lettre à Newcastle (1646) : "Il n'y a aucune de nos actions extérieures, qui puisse assurer ceux qui les examinent, que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles, ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure le parler des perroquets, sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant que la prolation de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise, lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, aux chevaux et aux singes ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans aucune pensée."
Cordemoy, Discours physique de la Parole (1668) pp. 8-9 :
"Ainsi, ce n'est pas assez que les corps rendent des sons, forment des voix, ou même articulent des paroles semblables à celles par lesquelles je dis ce que je pense, pour me persuader qu'ils pensent tout ce qu'ils semblent dire. Par exemple, je ne dois pas légèrement croire qu'un perroquet ait aucune pensée, quand il prononce quelques mots. Car, outre que je remarque qu'après lui avoir répété une prodigieuse quantité de fois des paroles dans un certain ordre, il ne rend jamais que les mêmes, et dans la même suite ; il me semble que, ne faisant point ces redites à propos, il imite moins les hommes, que les échos, qui ne répondent jamais que ce qu'on leur a dit […]. Comme je ne puis dire que les rochers parlent, quand ils renvoient des paroles, je n'ose aussi assurer que les perroquets parlent, quand ils les répètent. Car il me semble que parler n'est pas répéter les mêmes paroles, dont on a eu l'oreille frappée, mais que c'est en proférer d'autres à propos de celles-là. "