jeudi 29 août 2019

Chesterton (pluie)


Chesterton : Le romantique sous la pluie, in Le Paradoxe ambulant [trad. Reinharez] p. 211 :  
« La pluie n'est [...] qu'un bain public que l'on pourrait presque qualifier de bain mixte. L'apparence des personnes sortant tout juste de cette grande et naturelle lustration n'est peut-être ni raffinée ni digne, mais après tout, peu de gens sont dignes en sortant du bain. Pourtant l'idée même de la pluie est celle d'une gigantesque purification. Elle réalise le rêve de quelque hygiéniste dément : elle récure le ciel. Ses balais géants semblent atteindre les chevrons étoilés et les recoins sans étoiles du cosmos. C'est un nettoyage de printemps cosmique.
Si l'Anglais apprécie tant les bains froids, pourquoi faut-il qu'il récrimine parce que le climat anglais est un bain froid ? Ces temps-ci, on nous rappelle sans cesse que nous devrions laisser là nos petites possessions personnelles et nous rallier au plaisir des institutions sociales communes et d'un appareil social commun. Je propose la pluie comme institution absolument socialiste. Elle fait peu de cas de ce tact dévoyé qui a poussé jusqu'ici chaque homme bien élevé à prendre sa douche en privé. C'est une meilleure douche parce qu'elle est publique et commune ; et la meilleure de toutes, parce qu'un autre tire le cordon. »   

A Miscellany of Men  (The Romantic in the Rain) : « Rain surely is a public bath; it might almost be called mixed bathing. The appearance of persons coming fresh from this great natural lustration is not perhaps polished or dignified ; but for the matter of that, few people are dignified when coming out of a bath. But the scheme of rain in itself is one of an enormous purification. It realises the dream of some insane hygienist : it scrubs the sky. Its giant brooms and mops seem to reach the starry rafters and starless corners of the cosmos ; it is a cosmic spring cleaning. / If the Englishman is really fond of cold baths, he ought not to grumble at the English climate for being a cold bath. In these days we are constantly told that we should leave our little special possessions and join in the enjoyment of common social institutions and a common social machinery. I offer the rain as a thoroughly Socialistic institution. It disregards that degraded delicacy which has hitherto led each gentleman to take his shower-bath in private. It is a better shower-bath, because it is public and communal ; and, best of all, because somebody else pulls the string. »