Mattéi (Jean-François), L’Ordre du monde,1989, p.16-17 :
"D’une façon générale, dénoncer toute pensée de la « terre », et du « ciel » ou toute philosophie de l’adhésion au « monde » parce que leur forme suggestive et mythique serait susceptible d’entraîner une dérive irrationnelle, revient à priver la littérature, l’art et la religion de leur dimension symbolique… On conçoit bien que les albinos du concept, pour reprendre l’image de Nietzsche, ne soient guère sensibles aux couleurs du monde et que, à l’affût du « dernier homme », ils se rient de Zarathoustra qui a « trop écouté les ruisseaux et les arbres ». Qu’ils se demandent pourtant si leur constant souci critique, qui revient à assimiler le mal à l’irrationalité et à le projeter en dehors d’eux, donc à accabler le monde lui-même, ne serait pas entaché de quelque résidu mythique. Si le mythe a ses scories, la raison aussi a ses souillures, dont l’organisation méthodique de la terreur, dans tous les totalitarismes du siècle, n’est pas le moindre exemple."