Ramuz, Posés les uns à côté des autres [1943], XIV, éd. Zoé p. 202-203 :
"Lorsqu'on quitte le village [...] on s'élève tout de suite contre l'avancement de la montagne par des lacets : c'est un chemin pour le bétail. Il n'est pas large. Il est large juste ce qu'il faut pour laisser passer un mulet avec sa charge, c'est-à-dire son bât et des choses dessus, qui débordent à droite et à gauche, ou une fille assise de côté : un mètre cinquante, guère davantage, étant là comme une corde qu'on aurait déroulée d'en haut brasse à brasse, et ses divers segments sont restés disposés en zig-zags les uns au-dessus des autres, de sorte qu'on tourne, on tourne tout le temps. On va dans une direction, puis dans la direction opposée ; il y a au-dessus de vous des choses contre le ciel qui se déplacent tout le temps de la même façon, et tantôt sont derrière vous, tantôt sont devant, un peu de neige, des rochers. Dans pas beaucoup d'arbres et maigres, des mélèzes, quelquefois un gros sapin, quelquefois, là où le roc est à nu, plus rien ; et le chemin a été taillé dans le roc, et il y a du côté du vide une barrière à cause des bêtes. Ainsi on s'élève rapidement, ainsi on voit tantôt à sa droite, tantôt à sa gauche, le village qui rapidement s'enfonce et s'aplatit, se resserre, se rapetisse jusqu'à n'être plus qu'une tache sombre et ronde comme une bouse de vache, au milieu des prés verts, avec une rivière qui les partage en deux et brille dans le soleil de toutes ses écailles, pareille à un orvet."