Chesterton, Philosophie des îles, in Le Paradoxe ambulant Actes-sud p. 235 :
"Les anciens mystiques parlaient, avec une provocation voulue, d'une existence ou d'un bonheur sans fin, tout comme ils auraient pu parler d'un oiseau sans ailes ou d'une mer sans eau. En ceci ils avaient philosophiquement raison, bien davantage que le monde ne voudrait l'admettre aujourd'hui, parce que tout devient plus paradoxal à mesure que l'on approche de la vérité fondamentale. Mais pour toutes les fins humaines tenant de l'imagination ou de l'art, rien n'est pire que de dire d'une œuvre de beauté qu'elle est infinie ; car être infini c'est être informe, et être informe c'est être pire que difforme. Nul homme ne désire d'une chose qu'il croit divine qu'elle soit, dans ce sens terrestre, infinie. Personne n'aimerait vraiment qu'une chanson dure éternellement, ni qu'un service religieux dure éternellement, ni même qu'un verre de bonne bière dure éternellement. Et c'est certainement la raison pour laquelle les hommes ont suivi, vers l'idée de sainteté, cette voie-là ; la raison pour laquelle ils l'ont enfermée dans des espaces particuliers, limitée à des jours particuliers, qu'ils ont voué un culte à une statue en ivoire, voué un culte à un caillou. Ils ont désiré lui donner les qualités chevaleresques et la dignité d'une définition, ils ont désiré la sauver de la dégradation de l'infini. Voilà la grande faiblesse de tous les idéaux conquérants et impériaux de la nationalité. Personne ne peut aimer son pays avec l'affection particulière qui convient à ce rapport s'il pense que c'est une chose indéterminée dans sa nature, qui grandit la nuit, à laquelle il manque la tension et l'émotion d'une frontière. Tout changea pour les citoyens romains dès lors qu'il devint possible à un riche Parthe ou à un riche Carthaginois de devenir citoyen romain d'un simple geste de la main. Nul homme ne veut que la chose qu'il aime grandisse, parce qu'il ne veut pas qu'elle change."
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Chesterton (limites ; 2 textes)
https://lelectionnaire.blogspot.com/2020/05/chesterton-marionnettes.html
Chesterton, The philosophy of islands :
The old mystics spoke of an existence without end or a happiness without end, with a deliberate defiance, as they might have spoken of a bird without wings or a sea without water. And in this they were right philosophically, far more right than the world would now admit because all things grow more paradoxical as we approach the central truth. But for all human imaginative or artistic purposes nothing worse could be said of a work of beauty than that it is infinite; for to be infinite is to be shapeless, and to be shapeless is to be something more than mis-shapen. No man really wishes a thing which he believes to be divine to be in this earthly sense infinite. No one would really like a song to last for ever, or a religious service to last for ever, or even a glass of good ale to last for ever. And this is surely the reason that men have pursued towards the idea of holiness, the course that they have pursued; that they have marked it out in particular spaces, limited it to particular days, worshipped an ivory statue, worshipped a lump of stone. They have desired to give to it the chivalry and dignity of definition, they have desired to save it from the degradation of infinity. This is the real weakness of all imperial or conquering ideals in nationality. No one can love his country with the particular affection which is appropriate to the relation, if he thinks it is a thing in its nature indeterminate, something which is growing in the night, something which lacks the tense excitement of a boundary. No Roman citizen could feel the same when once it became possible for a rich Parthian or a rich Carthaginian to become a Roman citizen by waving his hand. No man wishes the thing he loves to grow, for he does not wish it to alter. No man would be pleased if he came home in the evening from work and found his wife eight feet high.