Yourcenar, Le Temps, ce grand sculpteur
p.13 : «[ces] statues à peine ébauchées, où la pierre pour ainsi dire remonte à la surface et abolit la gauche forme humaine, comme si le dieu figuré de la sorte appartenait davantage au monde sacré du minéral qu'à l'humain.»
p. 26 : «Vouloir immobiliser la vie, c'est la damnation du sculpteur. C'est en quoi, peut-être, toute mon oeuvre est contre nature. Le marbre, où nous croyons fixer une forme de la vie périssable, reprend à tout instant sa place dans la nature, par l'érosion, la patine, et les jeux de la lumière et de l'ombre sur des plans qui se crurent abstraits, mais ne sont cependant que la surface d'une pierre. Ainsi, l'éternelle mobilité de l'univers fait sans doute l'étonnement du Créateur.»
p. 209 : «Un jardinier me fait remarquer que c'est en automne qu'on perçoit la vraie couleur des arbres. Au printemps, l'abondance de la chlorophylle leur donne à tous une livrée verte. Septembre venu, ils se révèlent revêtus de leurs couleurs spécifiques, le bouleau blond et doré, l'érable jaune-orange-rouge, le chêne couleur de bronze et de fer.»
p. 211-212 : «Beauté exquise et artficielle du jet d'eau. L'hydraulique oblige l'eau à se comporter comme une flamme, à renouveler sans cesse à l'intérieur de sa colonne liquide son ascension vers le ciel. L'eau forcée s'élève jusqu'à la pointe de l'obélisque fluide, avant de retrouver sa liberté, qui est de descendre.»