Renard, Journal 4 mai 1909 :
« Les imparfaits du subjonctif. C'est une affaire de mesure. La beauté du style est dans sa discrétion. Il n'est pas plus ridicule de se servir de l'imparfait du subjonctif que de dire : ‘Je fus... Je fis... Nous partîmes…’ Mais il ne faut pas abuser ; le passé défini nous lasse vite. De beaux parleurs ne cessent pas de s'en servir.
Tout lasse. L'image même, qui est d'un si grand secours, finit par fatiguer. Un style presque sans image serait supérieur, mais on n'y arrive qu'après des détours et des excès.
C’est ce qu'ignorent les professeurs, qui commencent par vous éteindre. Il ne faudrait s'éteindre que sûr de retrouver l'éclat au moment voulu. Le beau style ne devrait pas se voir. Michelet ne fait que ça : c'est éreintant. De là, la supériorité de Voltaire ou de La Fontaine. La Bruyère est trop voulu, Molière trop négligé. Il y a des gens qui n'arrivent à la concision qu'avec une gomme à effacer : ils suppriment des mots nécessaires. On devrait écrire comme on respire. Un souffle harmonieux, avec ses lenteurs et ses rythmes précipités, toujours naturel, voilà le symbole du nouveau style. On ne doit pas au lecteur que la clarté. Il faut qu'il accepte l'originalité, l'ironie, la violence, même si elles lui déplaisent. Il n'a pas le droit de les juger. On peut dire que ça ne le regarde pas."