Balzac, Lettre à Maurice Schlésinger 29 mai 1837 :
« J’étais il y a six mois, d’une ignorance hybride [sic] en fait de technologie musicale. Un livre de musique s’est toujours offert à mes regards comme un grimoire de sorcier ; un orchestre n’a jamais été pour moi qu’un rassemblement malentendu, bizarre, de bois contournés, plus ou moins garnis de boyaux tordus, de têtes plus ou moins jeunes, poudrées à la Titus, surmontées de manches de basse, ou barricadées de lunettes, ou adaptées à des cercles de cuivre, ou attachées à des tonneaux improprement nommés grosses caisses, le tout entremêlé de lumières à réflecteurs, lardé par des cahiers, et où il se fait des mouvements inexplicables, où l’on se mouchait, où l’on toussait en temps plus ou moins égaux. L’orchestre, ce monstre visible, né dans ces deux derniers siècles, dû à l’accouplement de l’homme et du bois, enfanté par l’instrumentation qui a fini par étouffer la voix, enfin cette hydre aux cent archets a compliqué mes jouissances par la vue d’un horrible travail. Et cependant il est clair que cette chiourme est indispensable à la marche majestueuse et supérieure de ce beau navire appelé un opéra. De temps en temps, pendant que je naviguais sur l’océan de l’harmonie en écoutant les sirènes de la rampe, j’entendais les mots inquiétants de finale, de rondo, de strette, de mélismes, de triolets, de cavatine, de crescendo, de solo, de récitatif, d’andante, de contralto, de baryton, et autres de forme dangereuse, creuse, éblouissante, que je croyais sérieusement inutiles, vu que mes plaisirs infinis s’expliquaient par eux-mêmes. »