vendredi 6 octobre 2023

Claudel (Rimbaud)

Claudel, sur Rimbaud, 

préface à Rimbaud, Pléiade p. 517-518 (1942) : 

"Une espèce d'hypnose « ouverte » s'établit, un état de réceptivité pure fort singulier [...] les mots fortuits [...] montent à la surface de l'esprit. [...] Le poète trouve expression non plus en cherchant les mots, mais au contraire en se mettant en état de silence et en faisant passer sur lui la nature, les espèces sensibles « qui accrochent et tirent » [Lettre de AR du 15 mai 1871]. Le monde et lui-même se découvrent l'un par l'autre chez ce puissant imaginatif, le mot « comme » disparaissant, l'hallucination s'installe et les deux termes de la métaphore lui paraissent presque avoir le même degré de réalité." 


à propos des Mains de Jeanne-Marie (1946) Pléiade p. 1471 : 

"… ce sont des mains […] qui ont tiré du jeune lion ardennais cette poussée de vers incohérents, absurdes, détestables, magnifiques… « Inspirés », jamais mot plus applicable qu'ici. Une inspiration qu'on nourrit avec n'importe quoi, indifféremment avec des mots hétéroclites pêchés au hasard dans la mémoire ou le dictionnaire. Et tout à copup le génie se fait jour : ce n'est qu'un vers, la moitié d'un vers, un seul mot, mais pourpre, écarlate. Le poète arrive quelquefois à sortir la moitié, les trois quarts d'une strophe, jamais une strophe entière ! Comme c'est beau ! et, mon Dieu, comme c'est mauvais ! comme on souffre ! comme on est entraîné ! comme on est déçu et après tout, malgré tout, comme on a compris et comme on a eu son compte !"  .