Genette, Figures I, "L'or tombe sous le fer", Seuil, 1966 :
"La prédilection du poète baroque pour les termes d'orfèvrerie ou de joaillerie ne traduit pas essentiellement un goût « profond » pour les matières qu'ils désignent. Il ne faut pas chercher ici une de ces rêveries dont parle Bachelard, où l'imaginaiton explore les couches secrètes d'une substance. Ces éléments, ces métaux, ces pierreries ne sont retenus bien au contraire, que pour leur fonction la plus superficielle et la plus abstraite : une sorte de valence définie par un système d'oppositions discontinues, qui évoque davantage les combinaisons de notre chimie atomique, que les transmutations de l'ancienne alchimie. Ainsi, Or s'oppose tantôt à Fer, tantôt à Argent, tantôt à Ivoire, tantôt à Ébène. Ivoire et Ébène s'attirent, comme Albâtre attire Charbon ou Jais, qui s'oppose à Neige, qui craint l'Eau (et le Feu, qui évoque d'un côté la Terre (d'où Ciel), de l'autre Feu ou Flamme qui appelle ici Fumée, là Cendre, etc. Les valeurs symboliques de l'Eau (Larmes), de Fer (chaînes de l'Amour), de Flamme (de l'Amour encore) , de Cendres (la mort) viennent enrichir le système.[...] Ainsi se constitue un curieux langage cristallin où chaque mot reçoit sa valeur du contraste qui l'oppose à tous les autres [...]. On peut donc voir dans l'antithèse la figure majeure de la poétique baroque."