Goncourt, Journal, 4 mars 1860, Bouquins t. 1 p. 540 :
"On oppose toujours la simplicité des œuvres antiques à la complication et à la recherche des oeuvres modernes. On cite les beautés d'Hornère, ces tableaux naïfs, l'intérêt qui ne sort guère* d'accidents héroïques et matériels, la blessure d'un homme, la mort d'un autre Mais qui intéresserait aujourd'hui la vieille humanité avec ces contes épiques de son enfance ? Tout est devenu complexe dans l'homme. Les douleurs physiques ont été multipliées par les sentiments moraux. On meurt aujourd'hui d'anémie, comme on mourait jadis d'un coup de lance. L'observation et le microscope ont été trouvés. Les caractères sont devenus des habits d'Arlequin. Reste à savoir si l'immortalité, c'est-à-dire la compréhension générale, sera aussi grande pour les œuvres de notre temps, si propres à un temps, comme Balzac, que pour des œuvres qui n'ont eu qu'à peindre les idées primitives, les sensations mêmes, le roman grossier d'un monde brut et d'un âge où l'âme humaine semble à l'état de nature."
* qui ne sort guère de... = qui se limite à...
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28 août 1855, Bouquins t. 1 p. 147 :
"De l'action, du drame matériel, [...] la curiosité, l'étude sont passées au sentiment, à l'action intérieure, au drame immatériel, du récit du bras au récit du cerveau."