Edwards (Michael), Le Génie de la poésie anglaise chap. 1 :
"Un peuple modèle la langue qui lui convient ; il est modelé à son tour par la langue qu'il parle. De la même façon, la prosodie naît des caractéristiques sonores d'une langue et de l'oreille des poètes, et influe sur la sorte de poésie qui s'écrit. La prosodie anglaise, fondée à la fois sur les puissants accents d'intensité qui viennent des Anglo-Saxons et sur le décompte des syllabes français ou italien, semble résister à l'unité simple et servir, elle aussi, l'hétérogénéité, engageant le poète à développer l'énergie rythmique des accents ou la musique virtuelle d'une langue devenue nombreuse.
Toutes ces caractéristiques semblent se rejoindre, en se rapportant à l'ambition fondamentale de la poésie anglaise, qui serait de transformer le réel en respectant toutefois son autonomie. Car cette poésie baigne dans le réel au moment même où elle vise au-delà. Elle ne cherche ni le réalisme intégral, ni l'idéalisme absolu ; ni le simple factuel, ni le pur imaginaire. Elle cherche, de bien des manières différentes et en même temps que tout un éventail de choses diverses, le réel renouvelé, un monde à la fois même et autre. Elle procède moins selon la mimésis que selon l'anaktisis, la recréation ou nouvelle création."