mercredi 4 novembre 2020

Ortega y Gasset (imitation)

 Ortega y Gasset, La Déshumanisation de l'art (traduction Struvay et Vauthier) : 

« Parmi ces divers aspects de la réalité qui correspondent aux différents points de vue, il y en a un dont dérivent tous les autres et qu'eux tous présupposent. C'est celui de la réalité vécue. Si nul ne vivait en pur dévouement et totale frénésie l'agonie d'un homme, le médecin ne s'inquiéterait pas, les lecteurs ne comprendraient pas les gestes pathétiques du journaliste qui décrit la scène et le tableau où le peintre représente un homme alité, entouré de figures affligées, nous serait inintelligible. Il en va de même pour n'importe quel objet, qu'il s'agisse d'une personne ou d'une chose. La forme primitive d'une pomme est celle qu'elle possède quand nous nous disposons à la manger. Dans toutes les autres formes possibles – par exemple, celle que lui a donnée un artiste de 1600, en l'agençant dans un ornement baroque, celle qu'elle présente dans une nature morte de Cézanne ou dans la métaphore élémentaire qui en fait une joue de jeune fille – , elle conserve plus ou moins cet aspect originel. Un tableau, une poésie, dans lesquels il ne resterait trace des formes vécues, seraient inintelligibles, c'est-à-dire qu'ils seraient insignifiants, tout comme le serait un discours dont la signification habituelle de chaque mot aurait été extirpée. »


Entre esos diversos aspectos de la realidad que corresponden a los varios puntos de vista, hay uno de que derivan todos los demás y en todos los demás va supuesto. Es el de la realidad vivida. Si no hubiese alguien que viviese en pura entrega y frenesí la agonía de un hombre, el médico no se preocuparía por ella, los lectores no entenderían los gestos patéticos del periodista que describe el suceso y el cuadro en que el pintor representa un hombre en el lecho rodeado de figuras dolientes nos sería inintelligible. Lo mismo podríamos decir de cualquier otro objeto, sea persona o cosa. La forma primigenia de una manzana es la que ésta posee cuando nos disponemos a comérnosla. En todas las demás formas posibles que adopte - por ejemplo, la que un artista de 1600 le ha dado, combinándola en un barroco ornamento, la que presenta en un bodegón de Cézanne o en la metáfora elemental que hace de ella una mejilla de moza - conservan más o menos aquel aspecto originario. Un cuadro, una poesía donde no quedase resto alguno de las formas vividas, serían ininteligibles, es decir, no serían nada, como nada sería un discurso donde a cada palabra se le hubiese extirpado su significación habitual.