Gide, Réponse à une enquête sur le classicisme :
"Il me semble que les qualités que nous nous plaisons à appeler classiques sont surtout des qualités morales et volontiers je considère le classicisme comme un harmonieux faisceau de vertus ; dont la première est la modestie. Le romantisme est toujours accompagné d'orgueil, d'infatuation. La perfection classique implique, non point certes une suppression de l'individu […] mais la soumission de l'individu, sa subordination - et celles du mot dans la phrase, de la phrase dans la page, de la page dans l'œuvre. C'est la mise en évidence d'une hiérarchie. Il importe de considérer que la lutte entre classicisme et romantisme existe aussi bien à l'intérieur de chaque esprit. Et c'est de cette lutte même que doit naître l'œuvre ; l'œuvre d'art classique raconte le triomphe de l'œuvre et de la mesure sur le romantisme intérieur. L'œuvre est d'autant plus belle que la chose soumise était d'abord plus révoltée. Si la matière est soumise par avance, l'œuvre est froide et sans intérêt. Le véritable classicisme ne comporte rien de restrictif ni de suppressif ; il n'est point tant conservateur que créateur ; il se détourne de l'archaïsme et se refuse à croire que tout a déjà été dit. J'ajoute que ne devient pas classique qui veut ; et que les vrais classiques sont ceux qui le sont malgré eux, ceux qui le sont sans le savoir…"