Rilke, lettre à Witold von Hulewicz, Corresp., Seuil p. 590-591 :
« Pour nos grand-parents, une maison, une fontaine, une tour familière, jusqu’à leur propre vêtement, leur manteau étaient infiniment plus encore, infiniment plus familiers ; chaque chose était un réceptacle dans lequel ils trouvaient de l’humain et ajoutaient leur épargne d’humain. Voici que se pressent vers nous, venues d’Amérique, des choses vides, indifférentes, des apparences de choses, des attrapes de vie... Une maison, dans l’acception américaine, une pomme américaine ou une vigne de là-bas n’ont rien de commun avec la maison, le fruit, la grappe dans lesquels avaient pénétré l’espoir et la méditation de nos aïeux... Les choses douées de vie, les choses vécues, les choses admises dans notre confidence sont sur leur déclin et ne peuvent plus être remplacées. Nous sommes peut-être les derniers qui auront connu de telles choses. Sur nous repose la responsabilité de conserver, non seulement leur souvenir (ce serait peu et on ne pourrait s’y fier), mais leur valeur humaine et larique*. »
(* de ‘lares’, divinités de la maison)