Barbey d’Aurevilly, Les Diaboliques, « Le bonheur dans le crime » :
« La panthère devant laquelle nous étions, en rôdant, arrivés, était, si vous vous en souvenez, de cette espèce particulière à l’île de Java, le pays du monde où la nature est le plus intense et semble elle-même quelque grande tigresse, inapprivoisable à l’homme, qui le fascine et qui le mord dans toutes les productions de son sol terrible et splendide. […] Étalée nonchalamment sur ses élégantes pattes allongées devant elle, la tête droite, ses yeux d’émeraude immobiles, la panthère était un magnifique échantillon des redoutables productions de son pays. Nulle tache fauve n’étoilait sa fourrure de velours noir, d’un noir si profond et si mat que la lumière, en y glissant, ne la lustrait même pas, mais s’y absorbait, comme l’eau s’absorbe dans l’éponge qui la boit… Quand on se retournait de cette forme idéale de beauté souple, de force terrible au repos, de dédain impassible et royal, vers les créatures humaines qui la regardaient timidement, qui la contemplaient, yeux ronds et bouche béante, ce n’était pas l’humanité qui avait le beau rôle, c’était la bête. Et elle était si supérieure, que c’en était presque humiliant ! »