Sartre, L'Être et le néant, Introduction p. 11-12 :
"Le dualisme de l'être et du paraître ne saurait plus trouver droit de cité en philosophie. L'apparence renvoie à la série totale des apparences et non à un réel caché qui aurait drainé pour lui tout l'être de l'existant. Et l'apparence de son côté n'est pas une manifestation inconsistante de cet être. Tant qu'on a pu croire aux réalités nouménales, on a présenté l'apparence comme un négatif pur. C'était "ce qui n'est pas l'être" ; elle n'avait d'autre être que celui de l'illusion et de l'erreur. Mais cet être même était emprunté, il était lui-même un faux-semblant et la difficulté la plus grande qu'on pouvait rencontrer, c'était de maintenir assez de cohésion et d'existence à l'apparence pour qu'elle ne se résorbe pas d'elle-même au sein de l'être non-phénoménal. Mais si nous sommes une fois dépris de ce que Nietzsche appelait "l'illusion des arrière-mondes" et si nous ne croyons plus à l'être-de-derrière-l'apparition, celle-ci devient, au contraire, pleine de positivité, son essence est un "paraître" qui ne s'oppose plus à l'être, mais qui en est la mesure, au contraire. Car l'être d'un existant, c'est précisément ce qu'il paraît. Ainsi parvenons-nous à l'idée de phénomène [...]."