Bourget, Sensations d’Italie, 'Toscane' p. 158 [Leopardi] :
"C’est là, parmi ces vieux volumes aux couvertures de parchemin, que le large fleuve de cette poésie nihiliste a pris sa source. C'est à lire ces livres que le jeune noble de Recanati est parvenu, dès sa vingt-cinquième année et avant d'avoir vécu, à la plus définitive condamnation de l'existence qui ait été formulée dans le siècle de Schopenhauer et de Byron. L'originalité profonde du pessimisme de Leopardi réside, en effet, dans ce caractère presque impersonnel, qui, par certains côtés et à travers d'innombrables différences, rappelle le phénoménisme de Lucrèce. L'un et l'autre, quoique poètes et grands poètes, ont été des philosophes dans la pleine vigueur de ce mot, capables d'idée autant que de sentiment, de doctrine autant que d'imagination. Ils ont commencé par des vues générales, et non point, comme Byron lui-même, comme Musset, comme Henri Heine, par une douleur tout individuelle."